La deuxième langue

Ceux parmi vous qui me connaissent, ne serait-ce qu’un peu, savent très probablement que je suis un grand enthousiaste de l’espéranto. Je ne pouvais donc décemment pas éviter le sujet :).

Comme pour toute chose un peu différente, utopique ou originale (mais surtout méconnue), il circule malheureusement souvent tout un tas de préjugés. Laissons-les de côté et découvrons ensemble : au fond, c’est quoi, l’espéranto ? Et puis surtout, à quoi ça peut bien servir ?

Commençons par le commencement. L’espéranto est une langue. Elle a été créée en 1887 par Ludwik Lejzer Zamenhof, un ophtalmologue de Bialystok (ville de la Pologne actuelle, mais faisant alors partie de l’Empire russe).

Vous avez bien lu. Cette langue a été « créée ». Contrairement à (presque) toutes les autres langues, dont l’existence et la forme actuelle sont dues aux aléas de l’histoire et qui donc au fil des siècles n’ont cessé de se modifier et de se remplir d’irrégularités, d’exceptions et de difficultés, l’espéranto, lui, est une langue construite, pensée et conçue de façon entièrement logique et régulière.

L’espéranto est ainsi une des langues les plus faciles à apprendre, à comprendre et à parler. La terminaison des mots indique leur nature, ce qui permet de les identifier instantanément. La grammaire est simplissime et sans exception, et permet néanmoins des nuances aussi précises que possible. Les mots se créent par un assemblage de racines et d’affixes, comme des briques Lego. Enfin, le plus important : ayant une structure très flexible, l’espéranto permet de s’exprimer comme on pense, quelle que soit sa langue maternelle.

D’accord, mais à quoi ça sert ? Eh bien, comme toutes les langues, cela sert à communiquer, pardi :) ! (Vous ne l’auriez pas deviné, n’est-ce pas ?) OK, mais pourquoi aurions-nous besoin d’une langue en plus ? N’y en a-t-il pas déjà assez ? En effet, il existe une multitude de langues, et c’est bien ça le problème. Quand des personnes de langues maternelles différentes veulent communiquer, comment faire ? En gros, il y a trois possibilités :

  1. Si chacun comprend la langue des autres, chacun peut parler dans sa propre langue.
  2. On parle dans la langue d’un des interlocuteurs.
  3. On utilise une langue différente de celle de tous les interlocuteurs.
  4. On laisse tomber ;).

Bien que ce soit un peu étrange de se parler dans des langues différentes, la première possibilité est néanmoins une bonne solution, mais malheureusement rarement possible. De plus, elle exige des interlocuteurs une excellente compréhension des langues des autres.

La deuxième possibilité crée une situation fortement déséquilibrée. Les interlocuteurs dont c’est la langue maternelle ne doivent faire aucun effort. Les autres, par contre, doivent non seulement faire le grand effort de parler une autre langue, mais se retrouvent de plus défavorisés dans la conversation car ils ne la maitrisent pas aussi bien que leurs interlocuteurs. On peut vite avoir l’air bête quand on balbutie. Cette solution est donc à éviter si possible.

Avec la troisième possibilité, les interlocuteurs doivent chacun faire un effort semblable pour communiquer, et se retrouvent donc dans une situation équivalente. C’est en fait la meilleure solution. Il reste cependant un problème à résoudre : quelle langue choisir ? Vous me voyez arriver : l’espéranto, évidemment !

Pourquoi l’espéranto ? Pourquoi pas l’anglais (ou toute autre langue nationale) ? Il y a de nombreuses raisons pour préférer l’espéranto dans cette situation aux langues nationales, et nous les découvrirons dans un prochain article. Pour l’instant, retenons que la raison principale est que contrairement aux autres langues, l’espéranto a été conçu dans ce but bien précis : servir de langue d’échange internationale.

Si Zamenhof a créé l’espéranto, c’est parce qu’il vivait dans un quartier où se côtoyaient différentes nationalités, et constatant les tensions et violences causées par les incompréhensions dues aux différentes langues, il comprit que la meilleure solution à ce problème de communication était d’avoir une langue d’échange neutre, commune à tous.

Son but n’est donc absolument pas de remplacer les autres langues pour que tout le monde parle la même langue. C’est non seulement complètement impossible, mais ce serait également très dommage car chaque langue est une richesse.

Le but de l’espéranto est donc d’être une deuxième langue ; la deuxième langue. Chacun fait un pas vers l’autre pour se retrouver à égalité dans la conversation. Ainsi, l’espéranto est une langue équitable.

Pour pouvoir communiquer avec des personnes de langues maternelles différentes, il suffit donc d’apprendre une seule deuxième langue, qui de plus est très facile. L’espéranto s’apprend en moyenne 5 à 10 fois plus rapidement que les langues nationales. Une dizaine d’heures de cours suffisent pour commencer à réellement la pratiquer, et l’on acquiert déjà un bon niveau après environ cinquante heures de cours.

Tout cela est bien joli, mais n’est-ce pas un peu utopique ? Peut-être, mais de grands changements ont souvent commencé par une utopie.

Dans un prochain article, nous découvrirons un peu plus cette langue internationale, ainsi que les raisons et les moyens d’apprendre l’espéranto.

En attendant, je vous conseille vivement de regarder la série de vidéos très instructive de Claude Piron intitulée « Les langues : un défi ».